Chose curieuse, Bechet fait penser à Jimmie Noone à plusieurs reprises au cours de cette interprétation tout à fait typique du vrai style blues. Il a une envolée ravissante au début du dernier chorus, lorsqu'il utilise un registre plus élevé.
Remarquez l'accompagnement modèle d'Earl Hines à ces trois chorus de clarinette. Pour le 1°, Earl se contente de plaquer des accords sur les temps forts, les faisant résonner de façon délicieuse. Pour le 2°, il marque les 4 temps sans accentuation, selon la plus ancienne tradition du blues. Pour le 3° enfin, il reprend le thème en guise de contre-chant à la partie de Bechet. Il y a là une gradation qui ne contribue pas médiocrement à la beauté exceptionnelle de cette interprétation.
Quant à Baby Dodds, son jeu est au-dessus de tout éloge. Je ne sais s'il existe un disque où ses qualités soient plus en valeur. Ce qui est également saisissant, c'est la parfaite entente qui règne entre Bechet, Earl et Baby Dodds.
Blues in Thirds est un chef-d'œuvre non seulement parce que ces trois grands musiciens sont dans leur meilleure forme, mais aussi parce que c'est une interprétation merveilleusement homogène grâce à une communauté d'inspiration fort rare.