Si l'expression est ancienne, la musique ne l'est pas moins Une foule d'interprétations de Louis Jordan, de chanteurs de blues et de petits groupements enregistrées il y a près de 20 ans[1] offrent toutes les caractéristiques du « rock 'n roll ».
Le mot n'atteignit le gros public que vers 1955. On appela « Rock 'n roll » l'importante portion de la production « rhythm and blues » qui correspondait (en gros) aux caractéristiques indiquées ci-dessus. Il est donc absurde de prétendre, comme l'a fait un zazotteux, que le « rock 'n roll; » est une commercialisation du « rhythm and blues » .
Mais, de même qu'en 1935 la vogue du swing profita bien plus aux orchestres blancs de Benny Goodman, Artie Shaw et consorts, de même le tapage fait autour du « rock 'n roll » bénéficia surtout aux Blancs (Elvis Presley, Bill Haley) dont le chant et la musique n'étaient qu'une caricature du « rock 'n roll » tel que le jouaient les Noirs.
Les soi-disant critiques de jazz prirent prétexte du lamentable niveau du « rock 'n roll » commercial pour ignorer le vrai « rock 'n roll » super-swinguant de Noirs tels que Joe Turner, Ray Charles, Little Walter, Muddy Waters, Elmore James, Sonny Boy Williamson (le second), d'orchestres comme ceux de Buddy Johnson, Tiny Grimes, Earl Bostic.
Dans la principale revue de jazz (ou supposée telle) américaine Down Beat, la chronique de disques ignore le « rock 'n roll » et place généralement Louis Armstrong (sous prétexte qu'il enregistre des airs à succès) dans la rubrique « popular » (équivalent de notre « musique de variétés » ) aux côtés de chanteurs genre Frank Sinatra. Et sous la rubrique « jazz » , vous trouvez la chronique des microsillons de Gerry Mulligan, du Modern Jazz Quartet et autres progressistes. C'est tout juste si Duke Ellington, Buck Clayton et deux ou trois autres ont droit à figurer dans cette rubrique. N'est-ce pas admirable ? Le jazz exclu de la rubrique qui porte son nom !