Un pédant zazotteux a coutume d'écrire des articles où un jargon technique (quarte augmentée, neuvième diminuée, etc) remplace l'absence de toute compétence en matière de jazz. Comme si cela ne suffisait pas, il a l'inconscience de reprocher aux autres de ne pas adopter cette absurde et pédante manière de parler de la musique.
Voici ce que pensait de cette façon de s'exprimer le célèbre compositeur Paul Dukas :
« Il est aussi facile de parler de notes qu'il est difficile de parler de la musique et qu'il est aisé de faire prendre celles-là pour celle-ci. Les vrais musiciens, eux, n'ont jamais attaché au papier à musique, aux théories, aux traités, aux dissertations et aux analyses q'une importance secondaire ».
Paroles que l'excellent critique musical Bernard Gavoty a commenté de façon lumineuse :
« C'est un fait : jamais, ou presque jamais, on ne rencontre dans les écrits de ces maîtres (Debussy, Wagner, Berlioz) ces exégèses techniques dont la lourdeur écrase et qui, au fond, éclairent si mal notre lanterne ».
Cependant , hommes de métier s'il en fut, ils n'auraient pas manqué de recourir au jargon qui leur était familier, s'ils avaient imaginé que de ce galimatias pût jaillir quelque lumière. Mais ils savaient, pour être à la fois créateurs et critiques, que l'explication technique, l'examen des rouages et la citation même ne renseignent pas sur la substance d'une œuvre. Une musique s'écoute, et la meilleure des critiques est celle qui vous communique l'envie irrésistible - ou le dégoût - d'aller l'entendre.
Grave responsabilité ! Mais bien sûr. Cependant, qui dit mieux ?
N'ayant pas entendu une symphonie, nous en lisons une analyse. Serons-nous bien avancés de savoir qu'elle est en ré bémol et qu'après une série de modulations en la bémol, la majeur, fa dièse mineur, le second thème de l'allegro, à six-huit, a été pour le compositeur le prétexte d'un canon rétrograde à la tierce en deux temps ? En saurons-nous davantage si l'on nous dit que l'instant le plus pathétique de l'adagio est celui où la mesure, jusqu'alors à trois-deux, est à C barré ? Autant vaudrait, pour évoquer un tableau, décrire minutieusement la forme, la couleur et les dimensions de son cadre. En musique comme en peinture, tous les cadres sont bons ou beaux, c'est-à-dire indifférents, seul importe ce qu'il y a dedans ». (Culture Humaine, Janvier 1947)