Pris dans un excellent tempo moyen, Dale's wail est un blues classique. Roy, muni d’une sourdine, exécute lui-même l'introduction et joue sans désemparer les 9 chorus que comprend l’interprétation. Dès les premières mesures, on a le sentiment profond qu'il est « in the groove», et qu'il va jouer terriblement bien. Il swingue immédiatement, et avec une rare intensité. Au début, comme il ne force pas, son swing fait un peu penser à celui de Buck Clayton. Mais lorsque Jo Jones se déchaîne à la batterie au commencement du quatrième chorus, swinguant comme un fou, Roy Eldridge fait appel à toute sa vigueur d'exécution (qui est considérable) et, sans rien perdre de son aisance, joue avec un « punch » terrible, se rapprochant désormais de Louis Armstrong ou de Jonah Jones lorsque ceux-ci jouent en force. Roy monte dons l'aigu, martèle des phrases d'une structure simple, bien faites pour être swinguées, répète un riff, le développe, « arrache » certaines notes avec une fougue, une force expressive vertigineuses. La section rythmique frémit devant cette force galvanisante. On croirait qu’elle reçoit des décharges électriques.