Pops prend le chorus final à la trompette, soutenu par des « accords d'orgue » (trombone et deux saxos) d'un excellent effet, et par un Zutty pétillant de swing (il tape sur la « cow bell » avec une mailloche enroulée dons une mèche de coton).
Ce chorus serait à lui seul suffisant pour établir la supériorité de Louis Armstrong sur tous les autres jazzmen. La pensée musicale est d'une merveilleuse logique, le développement mélodique d'un équilibre, d'une rigueur modèle, le swing déborde littéralement de la façon magistrale dont est exécuté le plus petit membre de phrase.
Le style dans lequel Pops s'exprime ici est le style « conversation » (tant employé par Chew), telle phrase affirmant ou interrogeant, telle autre répondant. La structure de chaque phrase est de la quintessence de jazz. A ce point de vue, la toute première phrase (qui, mordant sur les derniers temps du chorus précédent, s'étend sur près de 5 mesures) est peut-être la plus extraordinaire de tout le chorus: bien qu'elle soit sinueuse et complexe, Pops l'exécute tout d'une traite en puissance, faisant presque éclater la matière sonore mais sans donner le moins du monde l'impression de forcer (au contraire : la décontraction est totale).
Quant à la trame mélodique elle-même, elle n'est pas moins remarquable : cette phrase se subdivise en plusieurs petites phrases se répondant les unes aux autres à une allure record (et jamais égalée par les boppers : ne pas confondre la vitesse de pensée et l'accumulation rapide de notes).
Vous pouvez m'en croire: c'est un connaisseur en jazz, un vrai connaisseur, celui qui repère cette phrase et en goûte toute la beauté. Quant à celui qui n'y voit rien, il a encore à apprendre ce qu'EST le jazz.
Ce chorus est exactement aussi beau que le fameux solo de Tight like this ; s'il « accroche » moins, c'est parce que Tight like this est dans le mode mineur, ce qui donne une couleur dramatique au solo de Pops, couleur à laquelle les non-connaisseurs sont toujours très sensibles.